Agence de presse AhlulBayt (ABNA) : Le verset « Les regards ne L’atteignent pas, mais Lui atteint les regards » (al‑An‘âm, 6:103) établit que Dieu ne peut être saisi par la vue. Pourtant, dans un autre passage (al‑A‘râf, 7:143), il est rapporté que Moïse (AS) dit: « Seigneur, montre‑Toi à moi, que je Te voie ». À première vue, une contradiction semble exister entre la négation et la demande de vision.
Des commentateurs, dont ‘Allâma Tabâtabâ’î dans al‑Mîzân, expliquent que le terme « ru’yah » (vision) dans cette demande ne désigne pas la vision oculaire, mais la forme la plus forte et la plus lumineuse de la connaissance, appelée « science par présence » (ʿilm ḥuḍûrî). Par métaphore, on parle alors de « voir ». Il s’agit d’un savoir direct, sans intermédiaire des sens, où l’être humain est comme « face à la réalité », sans besoin de l’organe de la vue.
Cette compréhension est confirmée par d’autres versets. Dans at‑Takâthur (102:5‑7), il est dit: « Si vous saviez par science de certitude, vous verriez assurément la Fournaise; puis vous la verrez certes avec l’œil de certitude. » La « vision » du Feu est ici la certitude intérieure, non une vision physique dans ce monde. De même, à propos d’Ibrâhîm (AS), le Coran dit: « Ainsi Nous fîmes voir à Abraham le royaume (malakût) des cieux et de la terre » (al‑An‘âm, 6:75). Les exégètes expliquent que le malakût désigne le « côté intérieur » des choses; la « vision » y est conscience profonde de la réalité, et non perception visuelle.
Dans cette ligne, la demande de Moïse « Rabbî arinî anẓur ilayk » signifie: fais‑moi accéder au degré ultime de connaissance de Ton Essence. Or l’être humain n’a pas la capacité de supporter une telle manifestation. Le verset poursuit: « Lorsque son Seigneur se manifesta à la montagne, Il la réduisit en poussière et Moïse s’effondra foudroyé » (al‑A‘râf, 7:143). Si une simple théophanie destinée à une montagne la pulvérise, à plus forte raison l’essence divine ne peut être « vue » par une créature limitée.
D’autres versets montrent que la revendication de voir Dieu venait en réalité d’un groupe des Banî Isrâ’îl, et non de Moïse lui‑même. Dans al‑Baqarah (2:55‑56), le Coran rappelle: « Vous avez dit: “Ô Moïse! Nous ne croirons en toi que si nous voyons Dieu clairement.” Alors la foudre vous saisit, tandis que vous regardiez. Puis Nous vous ressuscitâmes après votre mort, afin que vous soyez reconnaissants. » Et dans an‑Nisâ’ (4:153): « Ils dirent: “Fais‑nous voir Dieu clairement.” Alors la foudre les saisit pour leur injustice. »
En rapprochant ces passages du verset 155 de al‑A‘râf, où Moïse (AS) parle des « insensés d’entre nous » (as‑sufahâ’ minnâ), les exégètes concluent que la demande de vision sensible était celle du peuple, non celle du prophète. Moïse a transmis leur requête, afin qu’ils reçoivent une réponse décisive.
Un hadith rapporté dans at‑Tawḥîd de Shaykh Ṣadûq, d’un débat entre l’Imam al‑Ridâ (AS) et le calife Ma’mûn, va dans le même sens. Interrogé sur la demande de Moïse, l’Imam explique que le prophète savait que Dieu ne peut être vu par les yeux, mais que, sous la pression de son peuple qui exigeait d’entendre puis de voir Dieu, il formula leur demande. La foudre les frappa, puis ils furent ressuscités par permission divine. Quand ils conditionnèrent encore leur foi à la vision par Moïse lui‑même, Dieu ordonna à ce dernier de prononcer la demande, tout en l’exemptant de responsabilité quant à leur ignorance. La manifestation divine pulvérisa la montagne, et Moïse renoua avec la connaissance qu’il avait déjà: Dieu ne saurait être perçu par la vue.
Ainsi, selon l’école de l’Ahl al‑Bayt (AS), il n’y a ni contradiction entre les versets, ni atteinte à l’infaillibilité de Moïse (AS). La « vision de Dieu » dans le Coran renvoie soit à un degré suprême de connaissance intérieure, soit à une demande polémique du peuple, dont le prophète a été le porte‑parole pour qu’ils soient instruits par la réponse divine.
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