Agence de presse AhlulBayt

la source : ABNA
samedi

16 septembre 2023

17:20:25
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Avini a établi un nouveau style de cinéma en République islamique

Le cinéma iranien, au cours de la période qui a suivi la Révolution islamique (1979), a acquis une reconnaissance internationale notable.

Agence de presse AhlulBayt (ABNA) : Des personnalités telles que le célèbre réalisateur Abbas Kiarostami assurent la présence constante du cinéma iranien parmi les meilleurs au monde, et il est courant de trouver des films iraniens sur les listes des meilleurs films de l'histoire.

Il existe cependant un réalisateur iranien qui a marqué de manière particulièrement significative le langage narratif et visuel de la République islamique dans ses premières années et dont la figure est pratiquement inconnue en dehors du pays.

Morteza Avini (1947-1994) a réussi, à travers ses œuvres cinématographiques, notamment son documentaire intitulé Revayate Fath (Chronique du triomphe) sur la guerre imposée par l'ancien régime baathiste d'Irak contre l'Iran, à établir un nouveau style de cinéma en phase avec la vision politique de la République islamique.

Revayate Fath a commencé à être diffusé à la télévision nationale en 1986, six ans après le début de la guerre, et grâce à sa diffusion hebdomadaire, il est devenu la fenêtre à travers laquelle la majorité de l'Iran a vu la guerre et ses conséquences. La diffusion hebdomadaire de la série a offert une expérience collective à son public, lui donnant le sentiment de faire partie du combat pour une même cause et contre un ennemi commun.

Morteza Avini est considéré comme le principal théoricien du cinéma de Défense Sacrée et l'une des figures marquantes de ses fondateurs. Son approche cinématographique s’impose comme l’un des meilleurs exemples d’une vision politique recherchant l’autonomie et la rupture avec l’Occident sur le plan visuel et narratif.

En ce sens, on peut dire qu’Avini s’est inspiré du travail de l’écrivain iranien Jalal Ale Ahmad, en particulier de son livre de 1962, Qarbzadegi —traduit en espagnol sous le titre Occidentosis : un fléau de l’Occident—. Dans ce livre, Ale Ahmad affirmait que l’Iran et l’Islam étaient la cible d’attaques idéologiques, politiques et matérielles de la part de l’Occident, et prônait l’unité autour d’une « identité iranienne et islamique » comme solution.

C’est cette approche qui a inspiré Avini à affirmer que, bien que le cinéma soit une « technologie occidentale », il devrait être adopté pour refléter les besoins de la Révolution islamique. C'est précisément en raison de ce besoin de capturer le politique au cinéma que l'œuvre d'Avini, en particulier sa « Chronique du triomphe », est considérée comme l'un des produits culturels les plus remarquables de la Révolution et de l'islamisme iranien.

Son œuvre politique fut telle que pour de nombreux auteurs, Avini est l’un des plus responsables de la circulation du signifiant « martyr » durant les années de guerre imposée par l’Irak. En d’autres termes, Avini a aidé ce signifiant, aux implications politiques nouvelles compte tenu de la situation du pays, à mobiliser la grande majorité des Iraniens. En réalisant cette mobilisation, par exemple, la guerre a été vue à partir d’une tradition épistémique-discursive islamique qui n’avait rien de commun avec la vision laïque de celle-ci.

Pour comprendre l'islamisation du cinéma d'Avini, il est essentiel de considérer ses connexions politiques, notamment son adhésion aux principes politiques établis par l'Imam Khomeini, fondateur de la République islamique. Lorsqu’Avini, à travers ses documentaires, envisage la guerre sous l’angle de l’antagonisme entre batil – le mensonge – et Haqq – la vérité – cela reflète la vision politique de l’Imam Khomeini, qui considérait que la lutte contre le régime Pahlavi s’inscrivait dans la même logique épistémique horizon. Autrement dit, il ne s’agissait pas simplement d’une lutte de libération nationale en termes laïques, mais plutôt d’un besoin politique de démanteler un système illégitime – le batil – fondé sur le suprématisme ontologique occidental.

Avini et l’Imam Khomeini partageaient une vision politico-ontologique similaire qui plaçait Dieu au sommet de la hiérarchie ontologique, éliminant ainsi toute hiérarchie ontologique entre les êtres humains. Cette perspective se reflétait dans la manière dont Avini et son équipe travaillaient. Tous les membres de son équipe ont reçu une formation non seulement aux techniques cinématographiques, mais aussi à l’idéologie chiite révolutionnaire. Avini a insisté sur le fait que si elles n’étaient pas motivées et instruites idéologiquement, l’équipe ne serait pas en mesure de percevoir la « vérité » divine de la guerre et créerait plutôt des films qui dépeindraient sa dure réalité.

Avini a entraîné son équipe à se fondre dans les combattants. Ils portaient les mêmes vêtements et partageaient généralement la même idéologie. Pendant des jours, ils ont dormi au même endroit que les combattants, mangé la même nourriture et affronté le même ennemi, mais au lieu d’armes, ils portaient des caméras.

On peut donc dire que les volontaires Basiji et l’équipe Avini ont rempli la même mission : matérialiser les principes politiques sur lesquels repose la République islamique.

Compte tenu de toutes les explications ci-dessus, il n’est pas surprenant que la figure et l’œuvre de Morteza Avini ne soient pas connues en dehors de l’Iran. Son cinéma se développe dans des récits et des constructions politiques qui ne correspondent pas à une vision conventionnelle de la politique, telle que perçue à partir du paradigme laïc. Avini n'est pas un réalisateur facile à comprendre. Ses références visuelles, poétiques et politiques, ainsi que la structure de son œuvre, réalisée de manière non linéaire - qui est liée à la différence entre le temps linéaire occidental et le temps divin de l'Islam - en font un réalisateur difficile à assimiler pour le public occidental. Bref, c'est un réalisateur inconfortable en raison de son engagement en faveur de la consolidation visuelle et politique de la République islamique.

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